Bonjour à toutes,
Comme asg plus haut, je vous suis de loin, depuis plusieurs mois. Je suis actuellement enceinte de 8 mois après une FIV double don à Sanus (stérilité excrétoire pour mon époux, insuffisance ovarienne précoce pour moi, nous faisons résolument la paire :-) )
Je me suis inscrite car vos messages, Gribouille et belleauboisdormant, m'émeuvent, me touchent, et à la fois, je pense que vous êtes loin d'être les seules à ressentir ce que vous exprimez ici sur ce forum : merci de l'exprimer aussi authentiquement.
Je suis plus que d'accord avec Renaissance : ne surtout pas cacher à un enfant qu'il est génétiquement issu d'un don. Les secrets au sein d'une famille sont en effet hautement destructeurs, même (et peut-être surtout) ceux qu'on pense avoir le mieux caché sous les meubles... Serge Tisseron en parle très bien.
Ne pas attendre pour le lui dire, non plus. Plus tard un enfant l'apprend, plus mal il le prendra, la seule chose qu'il verra sera la trahison/cachotterie de ses parents, le manque de confiance en lui et en eux-mêmes. S'il l'apprend tardivement, sera brisé ce qu'il pensait être le socle solide de sa vie de famille.
Ne pas lui dire du tout, c'est risquer de faire peser sur lui un poids qu'il sentira au travers de vous (votre langage corporel, vos non-dits, les mots évités, les regards en biais, gênés...) mais ne sera pas capable d'identifier, engendrant de la souffrance, et un éloignement.
Si nos enfants sont ou seront génétiquement issu d'un don ou deux, il sont/seront, plus encore, et
avant tout, issus de votre désir à tous et à toutes d'être parent et de fonder une famille.
La génétique n'a jamais fait le parent, et à mon sens, notre désir de fonder une famille, d'accueillir, chérir, éduquer, aimer un ou plusieurs enfants nous rend d'emblée légitimes dans notre rôle de parent, au delà de toute considération génétique et ressemblance physique de base.
Devenir parent de façon "naturelle" c'est déjà faire un deuil, celui de la vie d'avant, sans la responsabilité d'un petit être, le deuil d'une indépendance presque totale, d'une forme d'insouciance, d'un corps qui n'a pas connu de grossesse, d'une position dans la famille (on passe de "fille de"/"fils de" à "mère de"/"père de", ce qui peut occasionner quelques tourments chez certain(e)s), etc, et c'est aussi se confronter à la peur de ne pas être à la hauteur.
Et pour nous, les DO et DD, on y rajoute un 2nd deuil : celui de notre patrimoine génétique, comme une sorte de cassure dans l'idée que l'on se faisait de notre suite sur terre, d'une sorte de "force" que l'on n'aurait pas, comme un défaut en nous, qui nous rendrait inférieur, contrairement à ceux qui peuvent procréer naturellement, et ça n'est pas rien, de franchir ce cap. C'est beaucoup d'énergie, de le franchir.
Si certain(e)s le franchissent sans encombres, il ne faut à mon sens pas culpabiliser si on fait partie de celles et ceux qui ont du mal.
Perso je garde en tête ce que m'a dit mon active et joyeuse cousine avant ma grossesse, dont la fille est aussi issue d'un DO : "à la fin de ma grossesse j'ai eu l'impression de devenir folle, c'était très violent tout ce qui me traversait", plein de sentiments remontaient à la surface, de son rapport à sa propre mère, à son enfance, son passé, de sa place en temps que femme, fille, maman à venir... ça l'a bousculée plus que de raison.
Et en plus de ce qu'entraîne une grossesse au niveau émotionnel, il faut d'autant plus se (et nous) lâcher la bride à nous les DO et DD qui avons eu à subir plusieurs années de traitements hormonaux à des doses de cheval, traitements qui impactent grandement l'humeur et le bien-être intérieur, le corps et l'image que nous en avons, notre sexualité parfois, en plus des déséquilibres induits par la tristesse et la culpabilité d'être infertiles et d'avoir connu un ou plusieurs échecs.
Il faut aussi ne pas écouter (même si c'est dur, je ne le sais que trop) les réflexions et opinions désagréables, voire carrément odieuses, de certains membres de la famille ou de l'entourage (un coucou à mon beau-frère dont la capacité d'empathie est en dessous de zéro
)
Chère Gribouille, j'espère que tu trouveras en toi et autour de toi les appuis pour dépasser ton sentiment d'illégitimité, avoir une meilleure opinion de toi-même, et la force de ne pas te soucier de ce que les gens pourraient éventuellement dire.
La force aussi de changer de psy si celui que tu consultes ne te fait pas rapidement avancer, si tu sens que tu stagnes, changes-en urgemment.
Tu peux aussi te tourner vers l'haptonomie, je n'ai pas testé mais je n'arrête pas de lire et d'entendre que c'est formidable, tant pour les parents que pour les enfants (l'haptonomie se pratique tout au long de la vie, pas qu'en cours de grossesse)
Et, si je peux me permettre, sois également très vigilante quant aux émotions et opinions que tu prêtes aux autres (entourage, voisins, etc) : lorsqu'on est en état de fragilité comme tu sembles l'être, on est plus à même de projeter la piètre opinion que l'on a de nous-même à l'extérieur.
Ne te juge pas aussi durement... qu'est-ce qui mérite que tu te juges aussi durement ? Ton infertilité, quelle qu'en soit l'origine, tu n'en es pas responsable.
Qu'il y ait une raison psychique à l'infertilité, la tienne, celle de chacune ou chacun sur ce forum, pour certains cas, c'est possible, et à la fois nombre de cas d'infertilité n'ont rien à voir avec le psychisme.
Mais,
participation du psychisme ou pas, en aucun cas cela rend quelqu'un responsable de son infertilité !
Essaie de trouver un psy - si le tien n'est pas suffisamment compétent ou ne te convient pas - qui t'amène à avoir (ou ravoir) un regard bienveillant sur toi-même, qui t'amène à lâcher l'idée que tu dois sans cesse payer ton infertilité, payer ton incapacité à être devenue mère plus jeune et sans recours à la science, payer au travers de ta relation à ta fille, au travers de ta relation aux autres et du regard sur toi que tu leur prêtes, un psy qui t'amène à entendre que
tout ça, ça n'est pas ta faute.
Quelqu'un qui t'aide à accepter ta vie telle qu'elle est, à y voir ce qu'elle recèle de bon et de beau, afin d'en tirer le meilleur jour après jour, et pas vivre dans le regret de ce qui ne sera jamais ni un futur effrayant et plein de drames potentiels.
Ne passe pas chaque jour sur un échafaud.
Ce que tu dis sur les pleurs de ta fille m'a profondément touché : ce que tu analyses comme étant de la colère, n'est peut-être qu'un appel de sa part : un bébé a besoin de peau, de bras qui le serrent, d'yeux, un bébé cherche avant tout le contact.
Je ne pense sincèrement pas que ta fille soit en colère (contre ? toi ? ton passé à toi ? sa présence sur terre ?), je pense qu'elle t'appelle pour avoir un câlin, du soin, des bisous, la chaleur de ta peau, la chaleur de tes lèvres sur son front, du lait, des petits massages de pieds, un sourire, tes yeux dans les siens, une stimulation visuelle et sensorielle... Peut-être aussi qu'elle veut tes mots : que tu lui dises que oui, tu es triste, mais que non, ça n'est pas sa faute. Un bébé se nourrit aussi de mots, même s'il ne les comprend pas, il en comprends l'énergie qui s'en dégage et comprend qu'on établit un contact avec lui, contact dont il a un besoin absolument vital.
Ne te focalise pas non plus pour le moment sur ce que tu pourrais transmettre de négatif à ton enfant, car un bébé ne prend pas que le négatif, mais prend aussi le positif qu'on lui transmet, et il en trouve toujours, parce qu'il y en a toujours, même si sa maman a du mal à le percevoir en elle sur le moment ...
Bref, tente très fort de ne pas dramatiser ta relation à ta fille, ni décider de son ressenti en fonction du tien.
Je sais que c'est difficile quand on est fragilisée.
En matière de regard bienveillant à réussir à avoir sur soi-même, je parle en connaissance de cause : je reviens de très, très loin !
J'ai eu une grossesse que je peux qualifier de pas facile, physiquement, sans entrer dans les détails, et surtout, énormément d'anxiété, que notre bébé meure en moi, que je ne sois pas assez "bonne" pour qu'un être humain veuille bien se développer en moi.
Parfois, quand il ne bouge pas, je l'appelle, doucement, d'une caresse vers le nombril, alors il finit par tapoter de son côté, et je suis rassurée... je sais très bien d'où vient cette crainte qu'il meure en moi, autrement dit, qu'il m'abandonne avant même que je n'ai pu lui parler et capter son regard. Ca peut paraître stupide à certaines personnes, ou irrationnel, c'est simplement lié à mon histoire personnelle.
Et d'autres jours, ou à d'autres moments dans la même journée, je me sens en pleine confiance : ce petit garçon aura peut-être la même façon de froncer son nez que son père, ou bien la même façon que sa mère de s'enflammer sur des sujets qui lui tiennent à coeur, tout un tas de mystères qu'on a terriblement hâte de découvrir, et quand il ne bouge pas, je me dis qu'il dort et le laisse dormir.
Ce sentiment de paix est savoureux (et ça me change des tumultes !)
Il est notre fils.
J'ai commencé à lui faire un bouquin : des dessins sommaires - je ne suis pas une super dessinatrice - et un texte expliquant avec des mots simples comment il a été conçu, et à quel point on l'a désiré, à quel point son histoire est merveilleuse, presque rocambolesque, que je compte lui lire dès sa naissance.
C'est un très long post .... !
J'aimerais tellement vous apporter un peu de réassurance à toutes les deux dont les messages m'ont remuée, moi qui en ai trouvé sur ma route, et sais où en trouver si jamais j'ai besoin après la naissance, j'espère en tout cas que je n'ai pas été trop maladroite dans mes mots, et si jamais, je m'en excuse.
Vous devez avoir reçu beaucoup de soutien probablement sur ce forum, mais si vous avez besoin, n'hésitez pas à me contacter, je vous répondrai.
Bon, je quitte mon ordi, rester assise provoque des contractions...
Bien à vous,
Pomme